Sénégal, le changement est-il enfin là ? Une rupture systémique ou une illusion ?
En mars 2024, l’élection de Bassirou Diomaye Faye comme président du Sénégal a marqué une rupture historique, mettant fin à plusieurs décennies de gouvernance néocoloniale. Avec le soutien populaire et un engagement pour le changement, Faye, soutenu par son parti Pastef et son Premier ministre Ousmane Sonko, ambitionne de transformer le pays en luttant contre la corruption et en réformant les institutions. Cependant, pour concrétiser ces promesses, son parti doit obtenir une majorité parlementaire lors des élections législatives du 17 novembre 2024. Ce tournant politique représente un espoir immense pour une population qui aspire à la justice sociale et à un avenir prospère.
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En mars 2024, le Sénégal a été le théâtre d’un bouleversement politique sans précédent avec l’élection de Bassirou Diomaye Faye, candidat d’opposition, élu dès le premier tour avec 54 % des voix. Une victoire qui ne se limite pas seulement à la conquête d’un siège présidentiel, mais qui représente un vent de « rupture systémique » tant attendu par une population lassée des abus de pouvoir et des injustices ancrées dans le système. Pourtant, pour réaliser cette promesse de rupture, son parti devra obtenir une majorité au Parlement lors des élections législatives anticipées du 17 novembre 2024. Voyons ce que cette élection signifie et ce qu’elle représente pour l’avenir du Sénégal.
Un contexte tendu et une victoire marquée par le défi
L’élection présidentielle de 2024 aurait normalement dû se dérouler le 25 février. Toutefois, à la veille de l’ouverture de la campagne électorale, le président sortant, Macky Sall, a pris la décision de reporter les élections, une mesure jugée anticonstitutionnelle par une partie de la population et contestée jusqu’au Conseil constitutionnel. Cette crise politique a été résolue par une mobilisation citoyenne de grande ampleur, obligeant finalement le président Sall à se plier à la tenue de l’élection le 24 mars 2024. Cette journée a marqué l’histoire politique du Sénégal, car, pour la première fois, un candidat d’opposition remportait la présidentielle dès le premier tour. Dès son entrée en fonction, Diomaye Faye nomme son mentor, Ousmane Sonko, au poste de Premier ministre. Ce choix renforce la symbolique de la « rupture systémique » que Faye souhaite incarner. L’un des aspects les plus marquants de cette élection réside dans le fait que Diomaye Faye et Sonko étaient tous deux emprisonnés quelques semaines seulement avant l’élection. En effet, les deux figures de proue du parti Pastef avaient été incarcérées pour divers chefs d’accusation, dont une atteinte à la sûreté de l’État, une manœuvre vue comme une tentative de répression politique de la part du régime en place. Cette période de persécution avait vu l’interdiction pure et simple de Pastef en juillet 2023, ainsi que la répression violente de ses sympathisants, entraînant des dizaines de morts et des milliers d’arrestations. Malgré tout, la mobilisation populaire n’a cessé de croître, et l’élection de Diomaye Faye est devenue une réponse directe aux tentatives de museler l’opposition.Pastef : un parti jeune mais profondément enraciné dans la contestation
Fondé en 2014 par Ousmane Sonko, ancien inspecteur des impôts radié de la fonction publique pour ses dénonciations de scandales de corruption, Pastef s’est rapidement imposé comme un mouvement politique de rupture. Dans un pays où les élites politiques sont souvent liées à des scandales de corruption, l’image de Sonko comme un homme intègre et incorruptible a captivé l’imaginaire de nombreux Sénégalais, en particulier la jeunesse. Contrairement aux partis traditionnels, Pastef n’a jamais été impliqué dans les arrangements néocoloniaux, ni associé à la Françafrique, ce qui lui a valu le soutien de citoyens lassés des pratiques coloniales déguisées sous des allures de coopération internationale. Le parcours de Pastef contraste fortement avec celui des autres partis qui se sont succédé au pouvoir depuis l’indépendance en 1960. Sous le règne du Parti socialiste (1960-2000) et du Parti démocratique sénégalais (2000-2024), le Sénégal n’a connu que deux alternances politiques, mais aucun changement radical. La victoire de Diomaye Faye représente donc non seulement une nouvelle alternance, mais aussi la possibilité d’une véritable alternative politique, éloignée des dynamiques néocoloniales et clientélistes.Héritage de la corruption et attentes abyssales
Depuis l’indépendance, la corruption a progressivement imprégné la gouvernance du pays. Sous le régime de Macky Sall, cette tendance s’est amplifiée, atteignant des proportions ahurissantes avec des scandales de corruption, de népotisme et des dépenses publiques injustifiées. En l’espace de quelques années, le Sénégal a vu une émergence rapide de milliardaires, tandis que la majorité de la population sombrait dans une pauvreté de plus en plus alarmante. Pour la plupart des familles sénégalaises, l’idée de trois repas quotidiens est devenue un lointain souvenir. Les jeunes, démunis de perspectives, tentent de fuir le pays en bravant les dangers de la mer, cherchant un avenir meilleur hors de leurs frontières. Les attentes du peuple sénégalais envers le gouvernement Faye-Sonko sont donc colossales. La population, et particulièrement la jeunesse, espère enfin voir des réformes profondes capables de mettre fin à la prédation des ressources publiques et d’offrir un avenir digne. Le gouvernement Pastef est conscient de cette soif de justice et de transformation, mais il se retrouve aussi face à un défi immense : la tâche herculéenne de redresser un système gangrené tout en gérant des ressources financières limitées et un héritage de dettes colossales.Des premiers gestes de rupture
Le gouvernement de Diomaye Faye a initié ses premiers pas vers une rupture en s’attaquant directement aux privilèges et aux abus de l’ancien régime. Plusieurs mesures symboliques ont été prises, telles que le retrait des voitures et des logements de fonction, ainsi que l’annulation des privilèges fiscaux accordés de manière abusive. Des audits ont été lancés pour revoir les contrats des secteurs pétrolier, minier et des ressources naturelles, avec l’ambition de rétablir la transparence dans la gestion des ressources du pays. Sur le plan de la justice, le gouvernement a organisé des états généraux, mettant en place des juridictions spécialisées pour la reddition des comptes. Plusieurs dignitaires de l’ancien régime sont déjà sous enquête, tandis que des institutions inutiles, créées dans le seul but de caser des proches du pouvoir, sont en cours de suppression. Ces premières actions illustrent la volonté de Pastef de traduire ses promesses en actes, mais la route est encore longue pour changer en profondeur le système.Une rupture systémique ou une illusion ?
L’ambition de Pastef de rompre avec le système néocolonialiste passe aussi par des changements dans les relations internationales du Sénégal. Le discours de Diomaye Faye à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2024 dénonçant l’ingérence des puissances étrangères en Afrique a marqué un premier pas vers une position plus souverainiste. Le Sénégal a également adopté une position critique vis-à-vis de certaines interventions militaires et a appelé à une refonte des relations avec l’État français, traditionnellement très influent dans le pays. Cependant, malgré ces intentions, certaines contradictions subsistent. En effet, le gouvernement Pastef continue de se référer au FMI et à la Banque mondiale comme des « partenaires » incontournables. Bien que le parti ait promis une « rupture », il semble difficile pour le Sénégal de se défaire totalement de la dépendance économique envers ces institutions internationales. Cette ambiguïté révèle les défis de taille qui attendent Pastef s’il souhaite réellement changer le modèle économique du Sénégal.Les élections législatives de novembre 2024 : un enjeu crucial
Pour concrétiser son programme de réformes, Pastef doit impérativement obtenir une majorité parlementaire aux élections législatives du 17 novembre 2024. Face à eux, une coalition de partis de l’ancien régime s’est formée, réunissant d’anciens rivaux politiques dans une opposition commune à Pastef. Ce front uni témoigne de l’inquiétude que suscite la dynamique de rupture portée par le parti de Diomaye Faye, et de la peur d’une véritable transformation politique. Si Pastef parvient à obtenir une majorité des trois cinquièmes au Parlement, il pourra non seulement légiférer en faveur de ses réformes, mais aussi amender la Constitution pour ancrer ses principes de bonne gouvernance et de transparence. Les projections de vote issues de la présidentielle de mars 2024 laissent penser que Pastef pourrait y parvenir, mais la mobilisation populaire sera cruciale pour contrer les pressions de l’opposition et les tentatives d’obstruction.Conclusion : entre espoir et prudence
L’élection de Diomaye Faye incarne l’espoir d’un renouveau politique pour le Sénégal. Mais les attentes du peuple sénégalais, exacerbées par des décennies de frustrations, seront difficiles à satisfaire. Pour Pastef, l’enjeu est immense : réussir à briser le cercle vicieux de la corruption et à instaurer un modèle de développement inclusif, en gardant le cap sur ses idéaux de justice sociale et d’intégrité. Dans les mois et années à venir, le Sénégal et le monde observeront avec attention cette tentative de transformation radicale. Le succès de cette « rupture systémique » dépendra de la capacité de Pastef à obtenir le soutien populaire, à résister aux pressions internationales, et à rester fidèle aux aspirations de ceux qui ont porté Diomaye Faye au pouvoir.L’équation complexe du triomphe : les défis inattendus du Pastef après sa victoire écrasante
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